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L'âge d'or de la littérature patristique Prêtre Jean-Siméon Rocher 1 Au début du IVe siècle, avec la victoire du christianisme sur l'État païen, la littérature patristique entre dans sa période de floraison. C'est alors que commence l'époque des Pères de l'Église les plus marquants. Les nombreuses luttes théologiques allaient provoquer une féconde activité intellectuelle ; une série de personnalités entra dans ce mouvement dans lequel les Pères allaient se signaler par leurs multiples talents. En premier lieu il s'agissait de défendre la foi contre les idées nouvelles, hérétiques. La littérature religieuse de cette période porte donc principalement une empreinte dogmatique et polémique. Ce brillant essor devait se faire sentir et se maintenir jusqu'au concile oecuménique de Chalcédoine (451). A partir de cette date, le déclin de la force créatrice se manifesta, accru par des différences de langue. Cependant, plus tard, on peut relever d'importantes manifestations dans ce genre de littérature.
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En Orient, les principaux centres de la vie intellectuelle (théologique) étaient Alexandrie et Antioche. Ces deux noms désignent, en même temps, les Écoles et les tendances théologiques les plus importantes de l'époque. A l'École alexandrine et néo-alexandrine appartiennent notamment Eusèbe de Césarée, Athanase, Basile, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse, Didyme et Cyrille. Les principaux représentants de l'École d'Antioche furent Diodore et Théodore, Jean Chrysostome et Théodoret. La différence entre les Écoles se manifesta aussi bien dans le domaine philosophique que théologique. D'une manière générale, les Alexandrins se rapprochaient de la philosophie platonicienne ; les Antiochiens, d'une manière générale, de la philosophie aristotélicienne. En exégèse biblique, les Alexandrins cultivaient, de préférence, l'interprétation allégorique et mystique ; autrefois, cette tendance avait eu son représentant le plus décidé en la personne d'Origène. Par contre, les Antiochiens s'en tenaient surtout à une (interprétation) explication historique et grammaticale de la Sainte Écriture.
L'École antiochienne d'exégètes, fondée par le prêtre martyr Lucien, devait parvenir au IVe siècle à son plein épanouissement ; principalement grâce à la réaction provoquée par l'exégèse erronée des ariens ; ce qui obligea à une étude plus approfondie des saintes Écritures. Certes, les Alexandrins connaissaient bien le sens littéral pur dans leurs explications exégétiques mais ils manifestaient un goût affirmé pour l'allégorisme. Une autre différence entre les deux Écoles concerne la Christologie : les Antiochiens, plus rationnels que les Alexandrins, s'efforçaient de distinguer soigneusement le divin et l'humain dans le Christ ; quelques-uns allèrent même si loin dans cette tendance qu'ils mirent en péril l'unité de la personne du Christ (Diodore évêque de Tarse ; Théodore de Mopsueste). En revanche les Alexandrins insistaient sur l'union de la nature humaine et de la nature divine dans le Christ. Dans leurs spéculations dogmatiques, ils ont élaboré des données de grande valeur pour les générations à venir, mais le danger de tomber dans le monophysisme subsistait. De fait, avec le temps, cette tendance alexandrine allait trouver un écho dans l'hérésie monophysite.
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Cependant la vie théologique ne se manifesta pas seulement dans ces deux Écoles : Elle se répandit, plus ou moins, dans toute l'Église. Nous trouvons, dans les lieux les plus divers, des hommes d'Église de premier ordre : ainsi l'Église d'Occident, encore largement tributaire de la théologie orientale, devait donner naissance à des personnalités éminentes tels Hilaire, Ambroise, Jérôme, Augustin, etc. La Syrie et l'Arménie aussi, au cours de la période IVe-Ve siècle, allaient s'affirmer dans le domaine de la littérature chrétienne.
L'âGE D'OR DE LA LITTÉRATURE PATRISTIQUE EN ORIENT
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La pléiade des pères de cette époque s'ouvre avec le "Père de l'Histoire de l'Église", Eusèbe (+339), évêque de Césarée en Palestine. Ancien esclave, il fut l'élève du savant Pamphile de Césarée. Eusèbe assure la transition entre l'époque des persécutions et le temps de paix. Il devait jouir d'une haute considération auprès de l'empereur Constantin ; il fut le prototype des évêques politiques à venir. Il consacra au monarque (+337) sa Vie de Constantin, fortement panégyrique mais précieuse par les documents certainement authentiques qui y sont insérés.
Eusèbe est connu, avant tout, par sa Chronique Universelle et son Histoire de l'Église ; ce dernier ouvrage a rendu son nom immortel. On peut aussi le considérer comme le fondateur de l'apologétique sérieuse. De fait, impressionné par la puissante expansion de l'Église, Eusèbe chercha à démontrer dans toute une série d'articles (l'Histoire de l'Église a aussi un caractère apologétique) comment le christianisme est la vraie religion instituée par le Christ. Il réfuta les pamphlets des néo-platoniciens Porphyre et Hiéroclès, et exposa avec beaucoup d'érudition dans la Praeparatio evangelica la supériorité de la religion révélée du judaïsme sur le paganisme ; et dans la Demonstratio evangelica, la supériorité du christianisme sur le judaïsme. Il fut moins heureux en théologie proprement dite ; il chercha dans les controverses religieuses à adopter une position moyenne. Comme Pamphile, grand admirateur d'Origène, il devait pencher, en doctrine trinitaire, vers le subordinatianisme. Tout en acceptant finalement le symbole de Nicée, il devint cependant un allié des amis d'Arius et un adversaire des partisans de Nicée, en particulier d'Athanase et de Marcel d'Ancyre ; il combattit ce dernier dans deux ouvrages (Contra Marcellum et De ecclesiastica theologica).
Athanase (+373) est un contemporain plus jeune d'Eusèbe. Il fut l'une des figures les plus importantes de l'Eglise ancienne, et le principal défenseur de la foi de Nicée. La lutte contre l'hérésie arienne devait constituer la tâche essentielle de sa vie. Comme diacre il mena cette lutte au concile de Nicée en 325 ; après son élévation au siège épiscopal d'Alexandrie en 328, il devait poursuivre la lutte avec un zèle encore plus grand et une conviction affermie par sa haute responsabilité. Aucune épreuve, pas même un exil cinq fois répété, ne purent le détourner de cette tâche qu'il devait mener avec de plus en plus de rigueur. C'est pourquoi, Grégoire de Nazianze le nomme (Os. 21-26), avec raison, "la colonne de l'Église". Comme la vie d'Athanase, la plupart de ses écrits (d'une dialectique habile et d'une grande profondeur de pensée, mais peu soignés dans la forme) sont consacrés à la défense de l'Orthodoxie, et à l'exposé approfondi du dogme trinitaire et de la doctrine du Logos. Son principal ouvrage dogmatique est constitué par les trois discours contre les Ariens (le quatrième n'est pas authentique). Ses écrits de jeunesse, l'Oratio contra gentes et l'Oratio de incarnatione Verbi, lesquels forment un tout homogène, ont un caractère apologétique. Soulignons l'importance de sa Vie de Saint Antoine, ainsi que le Symbole de saint Athanase (ce dernier n'est pas authentique).
Des écrits ascétiques sur la virginité, des lettres festales (treize au moins) des années 329-348, ont été conservés en traduction syriaque.
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A l'École néo-alexandrine appartiennent, comme Athanase, les "Trois Grands Cappadociens". Ils virent dans la lutte contre les Ariens et les Pneumatomaques une tâche essentielle de leur vie ; cependant, leurs activités se portèrent aussi vers d'autres sujets d'intérêt.
Basile, surnommé le Grand, archevêque de Césarée en Cappadoce (+379) devait se distinguer comme promoteur et organisateur du monachisme ; il s'est aussi distingué par des oeuvres d'assistance d'Église (hôpital), mais aussi comme écrivain exégétique, ascétique, et comme prédicateur. Méritent surtout d'être mentionné le traité Contre l'Arien Eunome et le De spiritu Sancto ; les neuf homélies sur l'Hexaemeron et ses autres discours ; le traité Aux jeunes gens avec son programme d'humanisme chrétien ; ses nombreuses lettres ; la liturgie qui porte son nom ainsi que les deux règles monastiques. Dans sa jeunesse, Basile composa dans la solitude monacale sur les bords de l'Iris, en commun avec son compagnon d'études le méditatif Grégoire de Nazianze (+ vers 390) – qu'il devait consacrer ultérieurement évêque de la petite ville de Sasima - la Philocalie, une anthologie des oeuvres d'Origène (358).
Grégoire de Nazianze, lui-même, a brillé surtout comme orateur et poète. Parmi les discours du Démosthène chrétien, les cinq Discours théologiques occupent une place de choix. Il les prononça pour défendre la divinité du Fils et de Saint-Esprit, durant le peu de temps qu'il dirigea (379-81), comme évêque finalement reconnu, la communauté orthodoxe de Constantinople. Ces discours lui méritèrent le titre honorifique de "le Théologien". Sont également importantes, sur le plan théologique, les deux lettres antiapollinaristes à Clédonius. Ses autres lettres, d'un style classique, et ses poésies datent presque toutes de la dernière période de sa vie qu'il passa à Arianze, dans la retraite.
Grégoire de Nysse (+395) il est le frère cadet de Basile ; il possède un esprit particulièrement doué pour les sciences spéculatives. Il fut transitoirement métropolite de Sébaste, en Petite-Arménie. Nous lui devons, outre des traités et des homélies exégétiques (sur l'Histoire de la création, Moïse, le Cantique des cantiques, etc), des oeuvres et des lettres ascétiques ; surtout plusieurs ouvrages polémiques et dogmatiques contre Eunome et Apollinaire (Antirrheticus) ; enfin la Grande Catéchèse, excellente explication et défense des principaux dogmes du Christianisme ; et le Dialogus de anima et resurrectione, dialogue avec sa soeur Macrine portant sur l'âme et la résurrection.
Le problème de l'élévation de l'âme vers Dieu préoccupait constamment Grégoire. Il fut l'un des Pères de la mystique chrétienne. Afin de décrire l'oeuvre du Logos qui achève dans l'âme l'oeuvre de salut commencée au baptême, Grégoire trouve dans la culture philosophique de son temps la structure logique et la terminologie correspondant à son expérience personnelle. Il fut un admirateur d'Origène, empruntant aux doctrines de ce dernier, l'apocatastase et la négation de l'éternité des peines de l'enfer.
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Jean, appelé depuis le VIe siècle Chrysostome, c'est-à-dire "bouche d'or", antiochien par sa naissance et sa formation intellectuelle, fut l'une des personnalités les plus énergiques de l'Église. Élevé pieusement par sa mère Anthousa, il fut l'élève du célèbre Libanius pour la rhétorique, et de Diodore de Tarse pour la théologie. Il vécut quelques années avec son condisciple Théodore de Mopsueste en ermite près d'Antioche. De retour dans sa ville natale, il se montra un diacre brillant (381) puis un prêtre remarquable (386). Il fut élevé, sur le désir de l'empereur Arcadius, patriarche de Constantinople, après la mort de Nectaire (397). Mais après six années d'apostolat dans la capitale, à la suite d'intrigues d'évêques hostiles, surtout celles du patriarche Théophile d'Alexandrie et de l'impératrice Eudoxie, sa vie se termina par un exil infâme (407). Son fidèle admirateur Palladius lui a consacré un monument biographique mérité et digne de lui. Chrysostome jouit dans l'Église Orthodoxe d'une réputation sans faille, comme prédicateur important et exégète éminent. Il partage avec les Antiochiens leur méthode pénétrante d'interprétation de la Sainte Écriture ; mais sans épouser cependant leur raideur en Christologie. Parmi ses nombreux écrits, les homélies et les discours tiennent le premier rang. Ces oeuvres sont, pour une part, consacrées à l'exégèse approfondie des livres de la Bible (Genèse, Psaumes, Matthieu, Jean, Épîtres de saint Paul, etc.) ; d'autres ont un contenu polémique, dogmatique ou moral ; certaines sont des discours de circonstance (ainsi les vingt-deux Homélies sur les statues et les deux sermons sur la disgrâce du ministre Eutrope) ; d'autres, enfin, sont consacrées aux fêtes de Notre Seigneur et des saints. Il faut encore mentionner ses lettres (toutes datent de son exil), le petit livre De sacerdotio, en forme de dialogue (386), enfin les traités qui recommandent la vie monastique et ceux axés sur la virginité et sur l'éducation des enfants. Une liturgie porte son nom.
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Les autres Pères du IVe siècle n'ont pas le même prestige que ceux qui viennent d'être mentionnés ; cependant certains d'entre eux ne leur cèdent que de peu en importance.
Cyrille de Jérusalem (+386) a laissé vingt-quatre remarquables catéchèses pour les candidats au baptême et les néophytes, sur la pénitence, la profession de foi, le baptême, la chrismation, l'eucharistie. Sa doctrine du Logos est orthodoxe, bien qu'il ne soit pas partisan du terme omoousios (de même nature). A trois reprises, au cours des troubles ariens, il fut chassé de son siège épiscopal.
Didyme l'aveugle (+398), bien que laïque et aveugle dès l'âge de quatre ans, fut un maître illustre de l'École catéchétique d'Alexandrie ; un savant théologien de son temps. Nous possédons de lui des fragments de ses commentaires bibliques : les traités De trinitate et De Spiritu Sancto. Dans sa doctrine trinitaire Didyme est un nicéen correct ; mais comme il s'était fait l'avocat de l'origénisme, et avait adopté d'Origène la préexistence des âmes et l'apocatastase, il fut frappé d'anathème, pour ses erreurs origénistes à l'occasion de Ve concile oecuménique de Constantinople (553).
Épiphane, pieux, érudit mais d'esprit étroit et passionné, est né à Eleuthéropolis en Judée. Il fut durant de longues années supérieur d'un monastère en Palestine et, à partir de 367, évêque de Constantia (Salamine) à Chypre (+403). Épiphane est le représentant d'une tendance traditionaliste étroite et anti-hellénistique ; adversaire de l'origénisme et du culte des images.
Nous devons à sa Boîte à remèdes (appelée de façon habituelle Haereses la plus complète réfutation des hérétiques de l'antiquité (quatre vingt hérésies). Cet ouvrage, malgré son manque de critique, est précieux à cause de sa richesse en citations d'oeuvres désormais perdues. Pour la période ancienne, il puise principalement dans Irénée de Lyon et Hippolyte de Rome. Parmi ses autres écrits, le Bien ancré (Ancoratus) mérite d'être mentionné. Il s'agit d'un exposé de la doctrine trinitaire contre les Ariens avec, en appendice, deux professions de foi. Le traité allégorique De gemmis (sur les douze pierres précieuses du pectoral du Grand Prêtre) a été conservé en latin (de façon incomplète) et en géorgien.
Sévérien, évêque de Gabala près de Laodicée en Syrie (+ après 408). Contemporain de Jean Chrysostome, il fut d'abord son intime ; plus tard son adversaire acharné. Nous avons de lui des homélies prononcées en partie à Constantinople. Il est renommé comme exégète et prédicateur. Les homélies portent sur l'oeuvre des six jours et quatorze d'entre elles contre les Ariens ; elles ont été conservées dans le texte grec original (la plupart sous le nom de Chrysostome). Certaines ont été traduites en diverses langues orientales.
Macaire l'Ancien (l'Égyptien) ou le Grand (+ vers 390). Il était ermite dans le désert de Scété. Il passait depuis le XVIe siècle pour l'auteur de cinquante profondes Homélies spirituelles à des moines. Plusieurs de ses lettres le firent aussi apparaître comme l'un des principaux représentants de la mystique chrétienne antique. Cependant, au XXe siècle, la collection a été reconnue comme un conglomérat de fragments ; on a constaté aussi des rapports avec la doctrine des fanatiques Messaliens. L'authenticité des homélies est désormais établie, il s'agit du chef messalien Siméon de Mésopotamie. Macaire de Magnésie (évêque ?). Nous possèdons de lui l' Apocritus, une apologie, composée vers 400, sous forme de discussion contre un polémiste païen (probablement Porphyre) – ou du moins contre un extrait de son ouvrage hostile aux chrétiens.
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Deux Antiochiens de naissance ont fondé la réputation de l'École exégétique d'Antioche :
Diodore (+392). Supérieur très considéré de monastère, prêtre à Antioche ; puis, à partir de 378, évêque de Tarse.
Théodore, élève de Diodore, (+428), évêque de Mopsueste en Célicie ; il fut un ami de jeunesse de Jean Chrysostome.
Théodore passe, chez les Nestoriens syriens, pour le "bienheureux commentateur" de la Sainte Écriture. A cause du reproche soulevé contre ces deux personnages après leur mort, comme père du Nestorianisme, et surtout à la suite de la condamnation de Théodore par l'empereur Justinien et le Ve concile oecuménique, leurs nombreux ouvrages exégétiques et polémico-dogmatiques se sont perdus (sauf quelques fragments). De Diodore il ne reste que son commentaire des psaumes ; de Théodore le commentaire des petits prophètes, de l'évangile de saint Jean (en syriaque) et des épîtres de saint Paul (en latin) ; ainsi qu'un ouvrage, le Liber de sacramentis et le De fide baptizandos (en syriaque), instruction détaillée et précieuse, à l'usage des catéchumènes ; ouvrage de doctrine orthodoxe et conservé en entier.
Les Constitutions dites Apostoliques : Ces textes doivent le jour à un remaniement de textes plus anciens ; à une amplification d'écrits. Il s'agit d'un recueil de prescriptions sur la morale, le droit canonique, la liturgie. A la base des six premiers livres se trouve la Didascalie apostolique. C'est en Syrie, sans doute dans la première moitié du Me siècle, qu'a vu le jour la Didascalie dite apostolique ; un de ces traités qui offre la matière de la Didaché (règles morales, prescriptions liturgiques et canoniques) sous une forme amplifiée. L'ouvrage nous est parvenu en traduction syriaque et, partiellement, aussi en traduction latine ; en grec il n'en existe qu'un remaniement, dans les livres I – VI des Constitutions Apostoliques. L'auteur pourrait en être un évêque. A la base du Septième livre se trouve la Didaché. Un écrivain inconnu est l'auteur de la Didaché (découverte par le métropolite Bryennios de Constantinople et éditée pour la première fois en 1883). Didaché ou Doctrine des douze apôtres, sorte de manuel de religion lequel renferme à la fois un catéchisme de morale (doctrine des deux voies, de la vie et de la mort), et un rituel. Ce rituel traite du baptême, du jeûne, de la prière, de l'Eucharistie. Il donne des prescriptions sur le traitement des apôtres, c'est-à-dire des prédicateurs ambulants, des prophètes et des frères de passage. Il donne également des instructions relatives à la célébration du dimanche ; à l'élection des évêques et des diacres. L'ouvrage porte une empreinte très ancienne et a dû voir le jour vers 150, en Syrie ou en Palestine. Il fut longtemps tenu en haute estime, et a même compté parmi les livres bibliques. Il servit de modèle et de source à divers ouvrages liturgiques et canoniques des siècles qui suivirent. A la base du huitième livre se situe la Tradition apostolique d'Hippolyte, appelé aussi Constitution égyptienne. Cette constitution existe en copte, en arabe, en éthiopien et partiellement en latin. Nous trouvons dans ce texte un écrit authentique d'Hippolyte, de 220 environ, sinon de 197. Il s'agit d'une source importante pour la connaissance de la plus ancienne liturgie romaine ; l'organisation et la discipline de l'Église. Elle se trouve donc à la base du huitième livre des Constitutions Apostoliques, et d'autres constitutions ultérieures. Le contenu principal de ce huitième livre, le plus précieux, est formé par une description des ordinations ; la liturgie dite clémentine qui renferme un formulaire complet du service dominical ; et les quatre-vingt cinq canons dits Apostoliques - les cinquante premiers canons sont reçus dans l'Église d'Occident. L'ensemble des Constitutions dites Apostoliques prétend avoir été composé et diffusé sur l'ordre des apôtres par l'évêque Clément de Rome ( troisième successeur de saint Pierre). L'auteur ou le compilateur pourrait être identique à l'interpolateur des lettres d'Ignace, évêque d'Antioche (+ vers 110), et appartenir au milieu apollinariste de Syrie vers 400 ; si le recueil n'a pas été déjà composé ou rédigé vers 380 à Constantinople... Les Constitutions Apostoliques, à l'exception des canons apostoliques, furent condamnées par le concile In Trullo de 692 (canon 2) comme prétendument falsifiées par les hérétiques ; elles trouvèrent cependant, du moins en partie, accès dans les recueils canoniques de l'Église d'Orient. Il existe encore d'autres textes apparentés au huitième livre des Constitutions Apostoliques, et dont les rapports réciproques ne sont pas encore éclaircis :
1 - La Constitution dite Apostolique, dont le texte grec qui nous est parvenu date de la première moitié du IVe siècle, ou de la fin du Ille siècle. Elle donne une description de la "voie de la vie" conforme à la Didachè 1-IV ; ainsi que des descriptions sur l'organisation de l'Eglise mises dans la bouche de chaque apôtre. 2 - Les Constitutions d'Hippolyte qui, à vrai dire, sont à considérer comme un texte parallèle au huitième livre des Constitutions Apostoliques, dont elles sont un extrait agrémenté de quelques compléments. 3 - Le Testament de Notre Seigneur, qui a été écrit vers 475. Il renferme des prophéties du Christ sur la fin du monde, prononcées après sa résurrection ; une Constitution ecclésiastique et un exposé de la liturgie. La partie principale est un remaniement de la Constitution de l'Église égyptienne. 4 - Les Canons d'Hippolyte, de 500 environ, ont été conservés en arabe et en éthiopien ; ils représentent également un remaniement de la Constitution apostolique égyptienne (sans doute avec quelques éléments plus anciens).
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Amphiloque, évêque d'Iconium (+ après 394), fut étroitement lié avec les trois grands Cappadociens. C'est à lui que sont adressées les trois lettres "canoniques" de saint Basile. Parmi ses écrits (perdus pour la plupart) il faut remarquer huit homélies.
Apollinaire, évêque de Laodicée (+ vers 390), également contemporain des trois Cappadociens. Comme eux, il se distingua par la finesse de sa culture et son érudition ; il combattit avec zèle l'arianisme. Plus tard, à la suite de son erreur christologique, il entra en vif conflit avec les Cappadociens. (Apollinaire réduisait la nature humaine du Christ et contestait l'esprit du Christ (le nous) : le Logos aurait notre chair et une âme "charnelle" (sensible) ; mais il aurait lui-même pris la place de l'esprit comme principe directeur. Apollinaire fut un écrivain fécond. Il a composé des écrits apologétiques (contre Porphyre et l'empereur Julien) ; des oeuvres exégétiques, dogmatiques, poétiques - en partie des hymnes, en partie des rédactions métriques de sujets empruntés à l'Ancien Testament. Apollinaire, par ses oeuvres poétiques, écrivait des oeuvres de remplacement à la jeunesse chrétienne, que la loi de Julien (362) avait privée des classiques anciens. On n'a conservé d'Apollinaire que peu de chose : une paraphrase des psaumes en hexamètres, un traité et une lettre sous le nom du pape Jules I, une profession de foi détaillée, égarée parmi les oeuvres de saint Grégoire le Thaumaturge (+270 ; une autre profession de foi athanasienne, adressée. à l'empereur Jovien. Les écrits d'Apollinaire doivent leur conservation au fait qu'ils furent insérés parmi les oeuvres de Pères orthodoxes de renom.
Évagre le Pontique (+399), disciple des grands Cappadociens. Il fut diacre au service de l'Eglise de Constantinople, sous le patriarche Nectaire ; puis il devint ermite (382) en Égypte Ami de Macaire le Grand, il était de son vivant hautement considéré comme écrivain et ascète. Il fut plus tard condamné avec Didyme comme origéniste à l'occasion du Ve concile oecuménique de 553. De ses nombreux écrits consacrés à la vie monastique, il n'est resté que peu de chose dans le texte original grec : le Miroir des vierges, le Miroir du moine, et le traité De la prière, autrefois attribué à Nil. Il reste davantage d'écrits en versions syriaque, arménienne et latine. Évagre est un représentant important de l'ascétisme et de la mystique monastique inspirée d'Origène. Il a exercé une grande influence sur la piété orthodoxe jusqu'à Maxime le Confesseur ; et, à travers les traductions latines de Rufin, aussi sur l'Occident (Cassien, etc.). C'est à lui qu'appartient la huitième lettre de Basile combattant les Ariens et les Pneumatomaques.
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Au Ve siècle, la première place dans la vie spirituelle de l'Église d'Orient est occupée par deux évêques : Cyrille et Théodoret. Les deux évêques furent assez longtemps en lutte violente entre eux, comme représentants des deux grandes Écoles théologiques.
Cyrille, évêque d'Alexandrie (412-444), neveu et successeur du violent Théophile (lutte contre Jean Chrysostome), fut l'important champion de la doctrine orthodoxe, en particulier du titre de Théotokos, contre le nestorianisme. Il s'opposa à Nestorius à partir de 429, dans une série d'ouvrage ; il poussa énergiquement à la condamnation de Nestorius au concile d'Éphèse en 431 qu'il présidait. Cyrille a composé aussi une apologie contre Julien l'Apostat : deux grands ouvrages dogmatiques et polémiques contre les Ariens ; des lettres pascales et d'autres lettres importantes au point de vue de la politique religieuse ; de nombreux commentaires bibliques d'un allégorisme prononcé. En tant que théologien dogmatique, Cyrille fut un esprit pénétrant, doué pour la spéculation.
Théodoret, évêque de Cyr, prés d'Antioche (423-466), fut un savant universel et un théologien profond. Il s'est distingué comme historien de l'Église, apologète, polémiste et exégète. Il fut cependant gravement suspecté et combattu comme partisan de Nestorius ; il fut déposé au brigandage d'Éphèse de 449, puis réhabilité à Chalcédoine en 451. Il fut de nouveau condamné lors de la querelle des Trois Chapitres, à cause de ses écrits contre Cyrille. Sa Christologie, après avoir été indécise un certain temps, est orthodoxe à partir de 445 environ. Ses oeuvres historiques comprennent une Histoire de l'Eglise, qui continue l'ouvrage d'Eusèbe ; une Histoire de la religion avec la biographie de trente ascètes célèbres de l'Orient ; le Compendium fabularum haereticarium (une histoire des hérétiques de Simon le Magicien à Eutychès), lequel contient dans son cinquième livre un abrégé systématique de la foi. Il a écrit l'une des meilleures apologies de l'Antiquité : la Graecarum affectionum curatio ; l'Eranistes, ou Polymorphus, est une attaque sous forme de dialogue du monophysisme, erreur aux "multiples aspects". Théodoret est surtout un grand exégète ; son explication des psaumes, du Cantique des cantiques, des prophètes ; son commentaire d'Isaïe et des Épîtres de saint Paul, se distinguent par la profondeur, la solidité de la méthode et la précision du style.
Synésius de Cyrène (+ vers 414), est l'une des figures les plus curieuses de l'Antiquité chrétienne. Il appartient à une noble famille païenne. Il fut le disciple de la célèbre néo-platonicienne Hypatie qui tomba victime du fanatisme de la populace d'Alexandrie en 415. Bien qu'il ne fut pas encore baptisé, Synésius fut élu en 411 évêque de Ptolémaïs et métropolite de la Cyrénaïque. Il n'accepta l'élection que sous la condition qu'il n'aurait pas besoin de renoncer à ses opinions néoplatoniciennes relatives à la préexistence de l'âme et à l'éternité du monde, à l'interprétation allégorique de la résurrection, ainsi qu'à l'usage du mariage. Comme évêque, il fut un pasteur zélé et un bon défenseur des droits de l'Église. Il resta toujours un helléniste convaincu, bien qu'il ait peu à peu pénétré plus profondément la doctrine chrétienne. Ses écrits, traités, discours, hymnes et lettres témoignent d'un riche talent et d'une formation philosophique universelle.
Palladius, moine en Égypte et en Palestine (vers 388/399), puis évêque d'Hélénopolis en Bithynie (+ avant 431). Il avait été le disciple d'Evagre le Pontique. Il composa vers 420 un recueil, très lu et riche en récits miraculeux, de biographies de moines, dédié à un chambellan impérial du nom de Lausus, et habituellement désigné pour cette raison comme Histoire Lausiaque. Il composa aussi un Dialogus de vita sancti Joannis (Chrysostomi), sous forme de dialogue fictif, à l'imitation du Phédon de Platon. Palladius témoigne d'un fidèle attachement à Jean Chrysostome.
Isidore, abbé (?) d'un monastère près de Pélure, sur le Nil (+ vers 435), partisan de Jean Chrysostome. Il a composé une grande quantité de lettres, assez courtes pour la plupart. Il nous en reste plus de deux mille ; elles traitent, pour une grande partie, de questions exégétiques. Ces lettres témoignent d'une culture fine et érudite.
Nil l'Ancien ou l'Ascète (+ vers 480), disciple de saint Jean Chrysostome et supérieur d'un monastère à Ancyre, en Galatie. Il passe pour l'auteur de beaux écrits sur la vie monastique : sur les vices et les vertus ainsi que de recueils de sentences et de nombreuses lettres (plus de mille). Il fut autrefois appelé, à tort, Nil le Sinaïte.
Diadoque, évêque de Photicé, en Epire, vers le milieu du Ve siècle. Il a composé l'ouvrage : De perfectione spirituali capita centurn, lequel renferme de beaux développements sur la vie spirituelle et la mystique. Dans son ouvrage, il attaque les erreurs des Messaliens.
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A partir du IVe siècle, allait se développer en Syrie, en Arménie, en Géorgie, en Égypte et en Éthiopie, une littérature nationale chrétienne. Seule, chez les Syriens et les Arméniens, elle devait parvenir à une forme indépendante et caractéristique. Les Géorgiens, les Coptes, les Arabes et les Éthiopiens devaient se limiter, d'abord, à la traduction du grec des oeuvres bibliques, liturgiques et canoniques rédigées dans cette langue. Le père de l'Église syrien le plus ancien est le "Sage de la Perse", Afrahat, connu sous le nom de Mar Jacob, moine puis évêque (à Mar Matthai près de Mossoul ?). Il reste de lui vingt-trois traités sous forme de sermons des années 336/45.
Éphrem (+373) passe pour le grand classique syrien. Né à Nisibe, il fut le disciple de l'évêque de cette ville, Jacob (non pas Mar Jacob) ; il fut moine puis diacre. A partir de 365 environ, il demeura à Édesse comme professeur à l'École des Perses, peut-être fondée par lui. Il y excella comme exégète, prédicateur et poète. Il fut surnommé le "Prophète des Syriens" et la "Cithare du Saint-Esprit". Grand serviteur de la Vierge Marie, Éphrem atteste la foi de l'Église avant le concile d'Éphèse (431). Ses nombreux ouvrages exégétiques nous sont parvenus ; en syriaque les commentaires de la Genèse et de l'Exode ; en traduction arménienne les commentaires du Diatessaron de Tatien, des Actes des Apôtres et des Épîtres de saint Paul. Nous possédons aussi d'Éphrem, dans le texte original syriaque, des traités polémiques et dogmatiques contre les Manichéens, les Marcionites et les Bardesanites ; des discours en forme métrique et des hymnes. Plusieurs de ses oeuvres ont été traduites très tôt en grec. L'Église syriaque possède aussi des poètes et des prédicateurs de renom : Cyrillonas, qui vécut probablement à Édesse à la fin du IVe siècle ; Balaï, évêque de Bérée (Alep) dans la première moitié du Ve siècle.
Isaac d'Antioche, surnommé le Grand. Il est difficile de le distinguer de deux autres Isaac : Isaac d'Amida et Isaac d'Édesse. Il était semble-t-il monophysite et adversaire de la doctrine de saint Augustin sur la grâce.
Jacques de Saroug, évêque de Batnae, (+521). Il fut surnommé la "Flûte du Saint-Esprit".
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Le fondateur de la littérature arménienne est saint Mérop (+ 441), secrétaire royal et soldat, puis moine et missionnaire. Aidé par le Catholicos Isaac, il créa l'alphabet arménien et traduisit avec ses élèves la Sainte Écriture dans sa langue nationale.
Eznil de Kolb, évêque de Bagrevand (+ vers 478). Il écrivit Contre les hérésies ; il défendit habilement la doctrine chrétienne contre les Perses, les philosophes grecs et Marcion.
Moïse de Chorène (+ vers 487). Son oeuvre la plus célèbre est l'Histoire de la Grande Arménie. Elle retrace les débuts légendaires de ce peuple jusqu'en 428.
L'âGE D'OR DE LA LITTÉRATURE
PATRISTIQUE EN OCCIDENT
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Le premier père important de l'Église d'Occident de cette époque est saint Hilaire de Poitiers (+ 367). Il fut un théologien pénétrant, à la dialectique habile, remarquable par la profondeur de la pensée. Né dans une famille païenne distinguée, il ne devint chrétien qu'à l'âge adulte. Vers 350, il fut évêque de sa ville natale. A l'instar du grand évêque d'Alexandrie (Athanase), sa vie et son activité littéraire ont été absorbées, en très grande partie, par la querelle arienne. Aussi est-il fréquent de l'appeler l' "Athanase de l'Occident". Exilé par l'empereur Constance (favorable aux Ariens), il passa quatre années en Phrygie (356/359). De son exil, il approfondit ses connaissances théologiques par l'étude des Pères grecs. 11 fut ainsi en mesure de structurer son savoir théologique et communiquer à l'Occident les travaux théologiques de l'Orient. Il a bien mérité de la victoire sur l'arianisme en Occident. De fait, la plupart de ses oeuvres sont des écrits de circonstance, historiques et polémiques, occasionnés par la controverse doctrinale. Il a aussi composé des commentaires sur l'évangile de saint Matthieu ; sur les psaumes et sur les figures de l'Ancien Testament Liber mysteriorum. Cet ouvrage est une exégèse typologique allégorisante. Il est l'auteur d'un chef d'oeuvre dogmatique, le De Trinitate, en douze livres, ainsi que des hymnes liturgiques.
Saint Ambroise (+ 397), plus encore que saint Hilaire, a subi l'impulsion et l'influence de la théologie orientale. Né, probablement à Trèves en 339, d'une famille romaine distinguée (son père était un haut fonctionnaire de la préfecture des Gaules). Il étudie à Rome la rhétorique et le droit. Vers 370, il devient gouverneur de la Haute-Italie (legatus consularis), avec résidence à Milan, capitale impériale de l'Occident. Après la mort de l'évêque arien Auxence, bien qu'il ne fut que catéchumène, le clergé et le peuple à l'unanimité l'élurent évêque pour succéder à Auxence. Il reçut le baptême et en huit jours tous les ordres jusqu'à l'épiscopat. Sous la direction du prêtre Simplicien, son futur successeur, il travailla à sa formation théologique, notamment par l'étude des Pères d'Orient. Dans sa fonction épiscopale, il se montra de façon éclatante le pasteur et le docteur de son peuple ; le défenseur de l'Église contre la paganisme et l'arianisme. Il fut le conseiller influent, à une époque difficile, des empereurs Gratien, Valentinien II et Théodose le Grand. Il affirma avec énergie l'indépendance de l'Église face au pouvoir civil. Toujours soucieux d'apaiser les tensions ; indomptable dans le maintien des exigences de l'Église au sujet de la pénitence, même face à l'empereur Théodose qui, dans un accès de colère, s'était rendu coupable d'un terrible massacre à Thessalonique en 390. Sa pensée manque de force spéculative. Il sera d'autant plus doué et actif dans le domaine éthique et pratique. Son activité littéraire s'est surtout exercée dans la prédication et la catéchèse, auxquelles il s'est livré avec grand zèle et succès. Dans l'exégèse (Exameron et autres sujets de l'Ancien Testament, Évangile de saint Luc), il dépend souvent de Philon, d'Origène et de Basile. Son explication de la Sainte Ecriture est en général allégorico-mystique et moralisante. Dans ses écrits dogmatiques et polémiques (De fide ad Gratianum, De Spiritui Sancto, De mysteriis, De paenitentia, De sacramentis), Ambroise a expliqué et défendu la doctrine de l'Église. En s'appuyant sur Cicéron, il s'est largement étendu dans des dissertations morales et ascétiques sur l'éthique chrétienne (De officiis ministrorum). Ambroise a magnifié la virginité consacrée à Dieu et la maternité divine de Marie, notamment dans le « De virginibus » écrit pour sa soeur Marcelline entrée au monastère vers 333. A ces œuvres viennent s'ajouter des discours funèbres impressionnants (sur son frère Satyre, sur l'empereur Valentinien II et sur Théodose le Grand) ; de nombreuses lettres, l'Exultet pascal et des hymnes encore en usage aujourd'hui. Au moyen-âge on a attribué à Ambroise un commentaire des Épîtres pauliniennes (à l'exception de l'épître aux Hébreux) qui se distingue par une exégèse pénétrante. Depuis que cet ouvrage a été reconnu non authentique (par Érasme pour la première fois) on a coutume de le désigner sous le nom d'Ambrosiaster (pseudo Ambroise). Il a été écrit sous le pape Damase (366/84). La question de l'auteur est encore aujourd'hui insoluble.
Saint Jérome naquit, vers 347, dans une famille chrétienne à Stridon, à la frontière de la Dalmatie et de la Pannonie. Il fut à Rome l'élève du célèbre grammairien Aelius Donat. Il reçut le baptême vers l'âge de vingt ans. Il se tourna vers la vie ascétique à Trèves, puis demeura quelque temps à Aquilée, au milieu d'amis partageant les mêmes idées. En 373, il partit pour l'Orient. Il vécut quelques années en ermite dans le désert syrien de Chalcis. C'est là qu'il apprit l'hébreu. A Antioche, il se fit ordonner prêtre et, en 380 à Constantinople, il se perfectionna dans l'interprétation de la Sainte Ecriture, sous la direction de Grégoire de Nazianze. Il passa de nouveau trois ans à Rome (382/385) comme conseiller et secrétaire du pape Damase ; il enthousiasma pour l'ascétisme de nobles dames romaines (Marcella, Paula, Eustochium, etc...). Après la mort de son protecteur (le pape Damase), il quitta la ville qui lui était devenue inhospitalière. Il se fixa de 386 à sa mort (30 septembre 419 ou 420) à Bethléem, "près de la crèche du Seigneur", au milieu d'un cercle de moines et de moniales venus d'Occident. Jérôme fut inlassablement occupé à la prière, aux études, aux leçons données à l'Ecole unie au monastère et aux travaux d'érudition. Cependant, les troubles origénistes, le différend avec Jean, évêque de Jérusalem et son ami de jeunesse Rufin, la terreur des invasions barbares et la querelle pélagienne, vont perturber sa retraite. Les principaux travaux de Jérôme sont ses nombreux commentaires de la Sainte Ecriture (ils dépendent d'Origène et sont fortement allégoriques) ; la traduction latine de la Bible (appelée depuis le XIIe siècle Vulgate). D'abord le Nouveau Testament sur l'ordre du pape Damase, ensuite l'Ancien Testament, à Bethléem, sur le texte original (390 et ss.). Il composa toute une série d'écrits polémiques contre les Lucifériens ; contre les adversaires des ascètes et de la sainte Vierge, Helvedius, Jovinien, Vigilance ; contre les pélagiens et contre Rufin. Nous lui devons aussi la première histoire de la littérature chrétienne : De viris illustribus, ouvrage qui fut continué par Gennade et d'autres auteurs postérieurs, une adaptation latine et une continuation de la Chronique d'Eusèbe, des homélies et des lettres intéressantes pour l'histoire de la civilisation. Jérôme fut un Père de l'Église érudit, un historien averti, un fin linguiste, un styliste brillant "ancêtre des humanistes", un traducteur de talent. Il n'était pas un esprit spéculatif, mais incomparable dans le domaine des sciences bibliques. Il était de caractère colérique et emporté. Il fut souvent injuste et passionné dans ses polémiques contre ses nombreux adversaires (y compris même contre Augustin, Ambroise et Chrysostome).
Saint Augustin (354/430) a exposé son existence dans les « Confessions », jusqu'en 387. Le reste de sa vie a été raconté par son disciple et ami Possidius, évêque de Calama (Vita St Augustini, vers 432). Né à Thagaste en Numidie le 13 novembre 354, son père Patricius est païen et sa mère Monique chrétienne. Augustin fit ses études à Madaure et à Carthage, pour se préparer au professorat de rhétorique. Jeune homme il se livra avec toute l'ardeur de sa nature aux plaisirs sensuels ; durant neuf années (374/83) il appartint à la secte des Manichéens ; un certain temps il s'abandonna aux idées sceptiques. C'est à Milan (384) où il avait obtenu une chaire de rhétorique que la transformation intérieure s'opéra. Les exhortations de sa mère, présente à Milan, les prédications d'Ambroise ; l'étude des ouvrages platoniciens, la lecture des Épître de saint Paul, tout cet ensemble vont le conduire au cours de l'été 386 à faire le pas décisif. Augustin se tourna vers le christianisme avec une profonde conviction. Il renonce à la chair et, après de longues discussions philosophiques dans la propriété de Cassiciacum, reçoit le baptême en la fête de Pâques 387, des mains d'Ambroise, en même temps que son fils Adéodat (+ 390) et son ami Alypius. Rentré en Afrique (Thagaste) - sa mère Monique meurt à Ostie en 387, au cours du voyage du retour - il est ordonné prêtre en 391, dans le port numide d'Hippo Régius. Il devient un théologien authentique en approfon-dissant sa connaissance de la foi. Pendant près de trente-cinq ans, il va mener avec son clergé une vie communautaire ascétique. Pasteur infatigable, il fut emporté dans la mort le 28 août 430, durant le siège d'Hippone par les Vandales de Genséric. Ses restes furent transportés au VIe siècle en Sardaigne ; puis au VIIIe siècle à Pavie, dans le royaume Lombard. Augustin a de grandes dispositions pour la spéculation et la mystique, de grandes capacités philosophiques et théologiques ; une profonde force créatrice et une habile dialectique. Son génie le porte surtout sur les questions de l'anthropologie chrétienne, les rapports de l'homme avec Dieu, le problème du péché et de la grâce ; sur l'Église comme institution du salut. Augustin a consacré une grande partie de sa vie à lutter contre les Manichéens, ses anciens coreligionnaires ; contre le schisme donatiste (la question de savoir si les sacrements – baptême, ordre – sont à considérer comme des moyens de salut agissant objectivement, ou s'ils dépendent de la dignité du ministre), ainsi que le pélagianisme et le semi-pélagianisme. Aux écrits polémiques et dogmatiques viennent s'ajouter d'autres ouvrages contre les Juifs et les Ariens, et contre les hérésies en général (Adversus haereses), des dissertations philosophiques qui précédèrent ou suivirent son baptême (Contra Academicos ; De Beata Vita ; De Ordine ; Soliloquia, etc.) Deux écrits appartiennent à la littérature universelle :
1 - Les Confessions (vers 400) sorte d'autobiographie ; 2 - Les vingt-deux livres de De civitate Dei (412/26). Apologie du Christianisme à travers un exposé historique.
Aux œuvres dogmatiques appartiennent l'Enchiridion ad Laurentium sive de fade ; Spe et caritate, une brève synthèse de la doctrine chrétienne ; les quinze livres De trinitate. Aux traités exégétiques et homélies appartiennent : De doctrina christiana ; une herméneutique biblique ; une instruction homilétique pour le clergé ; des explications mystiques et allégoriques de la Genèse, des psaumes, du livre de Job, de l'Évangile de Jean.
A la théologie pastorale sont consacrés dés traités sur le mensonge, le mariage et la virginité et surtout le De catechisandis rudibus avec deux modèles de catéchèse. Nous possédons environ quatre cent sermons et environ deux cent vingt lettress. Vers la fin de sa vie, Augustin a donné dans les deux livres des Retractationes une rétrospective critique de ses oeuvres à partir de 386: il en nomme quatre-vingt-treize.
Prudence (+ après 405), laïque espagnol distingué. Il fut avocat et haut fonctionnaire ; il se tourna, à un âge avancé, vers les intérêts religieux. Il occupe une place importante parmi les poètes chrétiens d'Occident. Dans le Cathemerinon (hymnes pour la journée), il a composé des hymnes de caractère lyrique pour l'usage quotidien ; dans le Peristéphanon, des chants de louange aux martyrs. On lui doit aussi plusieurs poèmes didactiques et allégoriques (Apotheosis, Harmatigenia, Psychomachia, Contra Symmachum) de contenu principalement dogmatico-polémique et apologétique. En chrétien fervent, Prudence voit dans ses poésies une offrande destinée à glorifier la foi et à conduire les hommes à Dieu.
Juvencus (+ vers 380), prêtre espagnol ; il a composé vers 330 une harmonie des Evangiles en hexamètres.
Julius Firmicus, rétheur sicilien ; il a écrit, encore non converti, un ouvrage d'astrologie (vers 336), Matheseos libri VIII. Devenu chrétien (vers 348) un pamphlet violent, adressé aux empereurs Constant et Constance, et dirigé contre le paganisme De errore profanarum religionum, où il attaque le culte des mystères.
Caïus Marius Victorinus (+ après 362) originaire d'Afrique, célèbre professeur de rhétorique et néoplatonicien sous le règne de Constance. Il passa dans sa vieillesse au Christianisme (vers 355). Son exemple et ses traductions d'ouvrages néoplatoniciens furent par la suite importants pour la conversion d'Augustin (Confessions 8,2). Comme chrétien, il a composé des ouvrages contre l'arianisme et des commentaires sur les Epîtres de saint Paul, commentaires pénétrés de philosophie néoplatonicienne. Ses spéculations métaphysiques sur la volonté ont influencé le concept de Dieu chez saint Augustin ; et sa terminologie philosophique se retrouve partiellement dans le langage scolastique du Moyen-Âge.
Lucifer, évêque de Cagliari (+ 371) fut un adversaire acharné des Ariens et de l'empereur Constance, (schisme de Lucifer).
Optat, évêque de Milève (+ après 384). Il combattit les Donatistes.
Damase (pape) (366/84) est connu comme auteur de lettres, de poésies et d'inscriptions funéraires en vers.
Zénon, évêque de Vérone (+ vers 372), excellent prédicateur. Il a laissé quatre-vingt-douze sermons ou ébauches de sermons.
Philastre, évêque de Brescia (+ vers 390), célèbre missionnaire zélé. Il a composé un Liber de haeresibus.
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Pacien, évêque de Barcelone (+ vers 390), adversaire des Novatiens. On a conservé de lui quelques lettres et traités qui renseignent sur la doctrine pénitentielle de son temps.
Grégoire, évêque d'Elvire (+ après 392) fut adversaire acharné des Ariens et chef des Lucifériens (schisme de Lucifer). On lui attribue cinq homélies sur le Cantique des cantiques ; vingt Tractatus de libris SS. Scripturarum, sermons transmis sous le nom d'Origène, une dissertation De arca Noe, sur l'Église et un ouvrage De fade orthodoxa contra Arianos.
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Rufin d'Aquilée (+ 470). Il fit ses études à Rome, puis devint disciple de Didyme l'Aveugle à Alexandrie. Il s'enthousiasma pour Origène. Vers 378-396, devenu ermite au mont des Oliviers à Jérusalem, il se lie d'amitié avec Jérôme, mais les deux hommes vont se séparer à cause de la question origéniste ; dés lors ils vont se livrer un combat sans merci. En 396 Rufin retourne en Italie (Rome). Il meurt à Messine en 470. Il s'est fait connaître moins par ses travaux personnels (comme son Commentaire sur le Symbole des Apôtres) que par ses traductions et remaniements latins d'ouvrages grecs : d'Origène, de Pamphile, d'Eusèbe (Histoire Ecclésiastique avec continuation jusqu'en 395), des Recognitiones clémentines, de l'Histoire du monachisme en Égypte, de Basile et de Grégoire de Nazianze. Rufin s'est permis de grandes libertés et des modifications souvent arbitraires.
Chromatius (+ 407/8), compagnon de Rufin et de Jérôme. Devenu évêque d'Aquilée, après 381, il a composé des sermons et un commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu, dont nous sont parvenus des extraits.
Orose, prêtre espagnol (+ après 417), élève d'Augustin, adversaire des Priscillianistes et des Pélagiens, ainsi que l'Aquitain Sulpice Sévère (+ vers 420) se signalent comme historiens.
Sulpice Sévère est le biographe et le panégyriste de saint Martin de Tours.
Nicéta, évêque de Rémésiana en Dacie (+ après 414), missionnaire des peuples balkaniques. Il fut l'ami de Paulin de Nole. Il a composé pour les candidats au baptême des instructions en six livres ; deux sermons sur la célébration des Vigiles et sur le chant des psaumes, ainsi que des hymnes (dont le Te Deum).
Paulin de Nole, évêque (+ 431), issu d'une famille sénatoriale de Bordeaux (baptisé à Bordeaux vers 390). Il renonça à sa fonction de proconsul de la Campanie pour mener avec son épouse Thérasia une vie d'ascète à Nole en Campanie, près du tombeau du saint confesseur Félix. En 409, il devient évêque de cette ville. Nous possédons de lui de nombreuses lettres à ses amis et des poésies pleines de ferveur (treize sur son saint de prédilection, Félix de Nole).
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Marius Mercator (+ après 451), probablement originaire d'Afrique, laïque, adversaire des Pélagiens et des Nestoriens.
Jean Cassien (+ vers 435), célèbre abbé marseillais, écrivain ascétique et semi-pélagien.
Vincent, prêtre du monastère de Lérins (+ vers 450) ; Arnobe le Jeune, moine à Rome vers 450 ; tous deux également semi-pélagiens.
Prosper d'Aquitaine, laïque, (+ 463) fut partisan et défenseur d'Augustin. En plus d'ouvrages polémiques contre les Marseillais, il a composé une Chronique Universelle qui, jusqu'en 378, est un extrait de la Chronique de Jérôme ; mais à partir de cette date, jusqu'en 455, la Chronique est un ouvrage précieux et original. L'ouvrage De vocatione omnium gentium est aussi de lui.
Julien Pomère, prêtre, originaire des Mauritanies romaines (+ vers 498) est l'auteur d'un précieux livre d'édification : De vita contemplativa.
Eucher, un certain temps moine de Lérins, puis évêque de Lyon (+ vers 450). Il a écrit les Formulae spiritalis intelligentiae, très lues au MoyenAge ; les Instructiones, pour l'intelligence des expressions bibliques et les passages difficiles de la Sainte Écriture. Il est l'auteur d'une Passio Agaunensium Martyrum.
Commodien, laïque menant une vie d'ascète, apparemment à Gaza. Il a composé en hexamètres rythmiques des Instructions, quatre vingt poèmes en langue populaire, adressés aux païens et aux Juifs pour les encourager à croire, et aux chrétiens pour les inviter à vivre de manière agréable à Dieu, ainsi qu'un «Carmen apologeticum» de contenu analogue - dans ce dernier ouvrage, il se montre millénariste et sabellien.
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Après Augustin se sont distingués comme prédicateurs : le pape Léon I le Grand (440-61), Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne (+ vers 450), Maxime, évêque de Turin (+ vers 465), Quodvultdeus, évêque de Carthage (+ vers 453, disciple de St Augustin, Fauste, évêque de Riez (+ vers 490), adversaire d'Augustin et semi-pélagien.
Salvien, prêtre de Marseille (+ vers 480) ; il est surtout connu comme peintre des moeurs de l'empire romain expirant, et de sa rencontre avec le monde germanique en plein essor. Il est aussi connu comme prédicateur de la pénitence et comme défenseur de la foi en la Providence. On possède de lui les traités De gubernatione Dei en huit livres ; Ad ecclesiam ou Adversus avaritiam et des lettres.
Gennade, prêtre à Marseille (+ vers 500), semi-pélagien. Il a composé une suite de l'ouvrage de Jérôme De viris illustribus sous le même titre et un Liber ecclesiasticorum dogmaturn qui n'est probablement que la conclusion d'un ouvrage plus long, aujourd'hui perdu, Adversus omnes haeresus.
Vigile, évêque de Thapus, deux africains qui appartiennent à la seconde moitié du siècle méritent également d'être mentionnés, adversaire des ariens et des monophysites.
Victor, évêque de Vita (+ vers 481) historien de la persécution des chrétiens par les Vandales.
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Deux écrits anonymes importants doivent être mentionnés :
La Peregrinatio ad loca sancta, précieuse surtout pour l'histoire de la liturgie ; L'Opus imperjectum in Matthaeum, commentaire plein d'idées originales qui jusqu'au XVIe siècle a joui d'une grande autorité comme oeuvre prétendue de Jean Chrysostome mais qui, en fait, comme l'a déjà reconnu Erasme, provient d'un arien.
LES THÉOLOGIENS ORIENTAUX
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A partir de la moitié du Ve siècle, la théologie orientale, affrontée aux longues luttes doctrinales, voit quelque peu s'affaiblir sa force créatrice et sa fécondité littéraire. Cependant de grandes personnalités intellectuelles vont s'imposer dans l'Église. L'étude de la science dogmatique cède la place à l'intérêt accordé au culte et à l'ascèse. On puise dans les trésors des «Pères» illustres ; on fait des extraits de leurs commentaires bibliques ; on les adapte pour en constituer des «chaînes», c'est-à-dire des commentaires en chaîne ; on rassemble leurs affirmations sur la foi comme arguments théologiques de grande valeur dans des florilèges dogmatiques. L'ouvrage de ce genre le plus riche et le plus précieux est la Doctrina patrum de incarnatione Verbi de la fin du VIIe siècle. Il fut peut-être composé par Anastase le Sinaïte et dirigée principalement contre l'hérésie monophysite et monothélite.
Le Pseudo-Denys l'Aréopagite : En premier lieu apparaît la mystérieuse figure de Denys l'Aréopagite. Il a composé, peu avant 500, probablement en Syrie ou en Palestine, quatre traités: De divinis nominibus ; De mystica theologia ; De caelesti hierarchia ; et onze lettres. Ces écrits se proposent de mettre la pensée néoplatonicienne au service de l'Église du Christ, de sa mystique sacramentelle, liturgique et de son ascèse. Son idée fondamentale est que les êtres doués de raison viennent de Dieu et retournent à Dieu. Ces traités décrivent avec attention l'ascension de l'homme vers le monde supérieur, son assimilation avec Dieu, à travers trois étapes :
1 – Dans la consécration (mystères) et la sanctification. 2 – Par la voie mystique classique de la purification. 3 – Par l'illumination et la voie de l'union.
L'auteur se présente lui-même comme étant l'Aréopagite Denys d'Athènes, converti par St Paul (Actes 17, 34). Il passe pour avoir été le premier évêque de Paris (légende du Moyen Age). Ce groupe d'écrits, cité pour la première fois par le patriarche monophysite Sévère d'Antioche (512-18) et par les Sévériens au colloque de Constantinople en 533, est dépendant du néoplatonicien païen Proclus (+ 485). Cette dépendance est aujourd’hui certaine et démontrée par les spécialistes. Cependant, jusqu'à présent, on n'a pas réussi à déterminer plus précisément le véritable auteur des traités. Les écrits de Denys l'Aréopagite (Pseudo-Denys), après avoir été d'abord rejetés par les Orthodoxes, ont été reçus par l'Orient et l'Occident. L'abbé de St Denis Hilduin et Jean Scot (Erigène) au IXe siècle, et d'autres par la suite, les traduisirent en latin. Ils ont exercé une grande influence sur la scolastique, la mystique et la liturgie médiévales ; de nombreux scolastiques ont écrit des commentaires sur les oeuvres du PseudoDenys. La conviction qu'ils émanaient des cercles apostoliques leur a conféré une autorité presque canonique. L'humaniste Laurent Valla (+ 1457) fut le premier à mettre en doute leur authenticité. Les écrits conservaient encore des défenseurs au début du XXe siècle.
Sévère, patriarche d'Antioche (+ 538). Il fut l'un des plus grands théologiens du VIe siècle ; fidèle disciple de Cyrille d'Alexandrie, il s'efforça d'approfondir le dogme christologique avec tous les moyens de la théologie et de la philosophie du Ve siècle ; il développa sa pensée en un système imposant, largement inspiré des Pères. Son importante oeuvre littéraire est conservée presque exclusivement en syriaque ; elle n'est que partiellement traduite. Son Liber contra impium Grammaticum, un adversaire inconnu, a été composé vraisemblablement vers 520 ; il s'agit d'une mine d'érudition théologique et de savoir littéraire ; offrant une quantité de citations tirées des Pères ; citations inconnues par ailleurs. Outre de nombreuses homélies et lettres, il a écrit des hymnes liturgiques qui sont, encore aujourd'hui, conservées dans l'Octoechos, le livre de chants liturgiques en usage dans l'Eglise d'Orient.
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Léonce de Byzance (vers 543) théologien pénétrant et érudit ; formé à l'école de la psychologie néoplatonicienne et de la logique aristotélicienne (ne pas le confondre avec le défenseur de la formule théopaschite qui porte le même nom - "qui a été crucifié pour nous") Il combattit, dans plusieurs écrits, les hérésies de son temps. Son oeuvre principale est l'Adversus Nestorianes et Eutychianos". Il explique avec profondeur la christologie cyrillienne contre les Monophysites.
Romain le Mélode (le chanteur), né à Emèse en Syrie, prêtre à Constantinople (+ vers 560). L'époque de Justinien (527-65) a aussi produit le grand poète religieux de l'Eglise d'Orient. Ses nombreux hymnes (il en reste environ quatre vingt cinq) se distinguent par la profondeur des sentiments ; le sérieux de la foi et la distinction de la langue.
Maxime le Confesseur (+ vers 662). Important théologien du VIe siècle ; issu d'une famille de Constantinople ; secrétaire de l'empereur Héraclius, puis moine et abbé d'un monastère à Chrysopolis (Scurati). Il fut l'adversaire des Monothélites. En 645, à Carthage, dans une célèbre discussion, il triompha du patriarche Pyrrhos, aux idées monothélites, lequel avait été chassé de Constantinople. Sous le règne de Constant II, lors de la querelle monothélite, il mourut martyr par fidélité à ses convictions. Maxime fut un savant aux connaissances multiples, à l'esprit pénétrant ; dialecticien et mystique à la fois. Il a composé de nombreux ouvrages exégétiques, polémiques, dogmatiques et ascético-mystiques, notamment les Quaestiones ad Thalassium sur des passages difficiles de la Bible ; une Mystagogia qui présente une interprétation symbolique et mystique de l'Eglise ; un précieux Liber asceticus sur la vie spirituelle ; des recueils de sentences et des commentaires sur Grégoire de Nazianze et sur le pseudodenys l'Aréopagite qu'il dépouille de son néoplatonisme. Maxime exerça une influence profonde sur la théologie orientale et, par les traductions latines, également sur la théologie occidentale.
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Jean Philopon, grammairien à Alexandrie, et Etienne Gobar, au VIe siècle, monophysites et Trithéistes. Tous deux ont utilisé la philosophie aristotélicienne pour la théologie. Etienne Gobar veut éclairer la doctrine de l'Eglise par la confrontation de textes patristiques contradictoires. Il emploie une méthode analogue à celle où excellera au Moyen Âge le philosophe Abélard.
Cosmas, surnommé Indicopleustès à cause de ses voyages en Arabie et en Afrique orientale ; d'abord négociant à Alexandrie ; par la suite moine et ermite. Il a composé, outre plusieurs ouvrages perdus, une Topographie chrétienne vers 547.
Jean Climaque surnommé le Scolastique, moine et abbé au mont Sinaï (+ vers 649). Il est un écrivain ascétique et mystique très apprécié à cause de son Echelle qui veut conduire les moines à la charité parfaite, en trente échelons. La Scala paradisi fut largement répandue.
Sophrone de Damas : D'abord moine érudit au monastère de saint Théodore, près de Jérusalem. A partir de 634, il fut patriarche de la Ville Sainte (+ 638). Ardent adversaire du monothélisme, prédicateur et hagiographe. Il composa des odes pour les fêtes liturgiques.
Jean Moschus, moine (+ 619 à Rome), ami et compagnon de voyage de Sophrone. Il a écrit le Patrum spirituale, recueil de récits sur des moines et des ascètes célèbres. Le Patrum spirituale est dédié à Sophrone et édité par celui-ci après la mort de Jean Moschus.
Anastase le Sinaïte (+ après 700). Abbé au Sinaï ; adversaire des groupes monophysites qu'il combattit dans de nombreux écrits, notamment "Le Guide" (Via Dux). On pense que c'est lui l'auteur du grand florilège "Doctrina Patrum de incarnatione Dei".
LA LITTÉRATURE
OCCIDENTALE CHRÉTIENNE
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En Occident aussi, la force créatrice et l'ardeur théologique diminuèrent à cette époque. Cependant en Occident, comme en Orient, une certaine activité intellectuelle allait se maintenir. On s'attacha principalement à utiliser les productions des Pères antérieurs et à les mettre à la portée du présent. Une tâche importante fut de rassembler et d'adapter, pour les tribus issues des invasions, les matériaux culturels, théologiques de l'Antiquité ; et ainsi de jeter les fondements de la future culture intellectuelle du Moyen Age.
AFRIQUE DU NORD
Fulgence, abbé d'un monastère, puis plus tard évêque de Ruspe (+ 533). Il fut un théologien habile et doué ; défenseur de la doctrine d'Augustin sur la grâce ; porte-parole des chrétiens africains de son temps. Il combattit, dans toute une série d'ouvrages, surtout le semi-pélagianisme en Gaule et l'arianisme en Afrique du Nord. Il fut deux fois exilé par le roi des Vandales Thrasamond, en Sardaigne. Il a donné un abrégé de toute la dogmatique dans un petit livre : De fade seu de regula verae fidei.
Ferrand, diacre de Carthage (+ vers 546) ; il a composé une biographie de saint Fulgence ; et une Breviatio canonum d'après les décrets des conciles orientaux et africains.
Facundus, africain, évêque d'Hermiane et Liberatus, diacre de Carthage, entrèrent en bataille littéraire, vers 547 et 560, pour défendre les Trois Chapitres et repousser la politique religieuse de Justinien.
Pélage I, diacre romain et futur pape (556-561), son ouvrage est aussi consacré à la défense des Trois Chapitres (554).
Primasius, évêque d'Hadrumète (+ avant 567) a laissé un commentaire sur l'Apocalypse.
Junilius, originaire d'Afrique, laïque et haut fonctionnaire à Constantinople, a composé un ouvrage très utilisé au Moyen Age: les Instituta regularia divinae legis. Il s'agit d'une introduction à l'étude de la Bible, inspirée des leçons de Paul de Nisibe, et conforme aux opinions de Théodore de Mopsueste.
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Grégoire le le Grand (590-604). Issu de la haute noblesse romaine. Il occupa tout jeune la charge de Préfet de la ville de Rome ; puis il devint diacre et chargé d'affaires du pape à la Cour de Constantinople (apocrisiaire) ; enfin, à l'âge de cinquante ans environ, il fut élu contre sa volonté, en 590, par le clergé et le peuple successeur de Pélage II. Par ses écrits de théologie pastorale et d'exégèse, lesquels utilisent et popularisent l'héritage de l'âge d'or patristique, Grégoire I est devenu l'un des éducateurs les plus influents du Moyen Age. Son Liber regula pastoralis, manuel de ministère pastoral fut traduit en grec de son vivant ; au IXe siècle, le roi Alfred d'Angleterre le traduisit en anglo-saxon. Ses commentaires moralisants (Moralia) s'appuient sur une explication allégorique et typologique du livre de Job. Il composa aussi des homélies sur les Evangiles et sur Ezéchiel ; les Dialogi de vita et miraculis patrum Italicorum, ouvrage d'hagiographie populaire rempli de prodiges. Le second livre est consacré à saint Benoît. Nous possédons dans son Registrum epistolarum (848 pièces) une importante et riche source pour l'histoire de son temps. Par contre, il n'a pas composé d'hymnes ni de traité de musique.
Ennodius, diacre et professeur de rhétorique à Pavie ; évêque de Pavie dès 514. Il a composé, avant ses années d'épiscopat, de nombreux poèmes, discours et lettres ; quelques travaux hagiographiques et historiques ; une autobiographie imitée des "Confessions" de saint Augustin: Eucharisticum de vita sua.
Boèce, né vers 480, philosophe et homme d'Etat (consul en 450). Il fut assez longtemps en grande faveur auprès du roi des Ostrogoths Théodoric le Grand, et chef de la chancellerie royale. En 524, à la suite de la tension politique avec Constantinople, il tomba en disgrâce, fut accusé de haute trahison, incarcéré, condamné par le Sénat et exécuté à Pavie en automne 524, après avoir été soumis à la torture. Boèce est un homme d'une grande culture universelle, d'une grande érudition. On ne peut mettre en doute ses convictions chrétiennes, bien qu'elles ne ressortent pas particulièrement de ses oeuvres, sauf dans ses écrits théologiques. Il a traduit et commenté des écrits philosophiques d'Aristote et du néoplatonicien Porphyre ; il a également composé quatre petits traités théologiques : Opuscula sacra sive theologia ; De sancta trinitate ; Liber contra Eutychea et Nestorium, etc... (le De fide christiana n'est pas authentique). Dans son cachot il a rédigé, en guise de testament, le célèbre ouvrage De consolatione philosophia, en forme de dialogue et au contenu purement philosophique (néoplatonicien). L'importance et le mérite de Boèce résident dans le fait qu'il a transmis à l'Occident la connaissance de la logique aristotélicienne et a assuré, par ses écrits, la base formelle du premier développement de la scolastique. Dans ses traités théologiques on perçoit un faible écho des controverses sur la question théopaschite vers 519-20 ; la dialectique aristotélicienne y est appliquée au dogme chrétien.
Denys, qui par modestie se nommait le Petit, scythe de naissance, moine respecté. Il vécut à Rome vers 497-527 ou peut-être même jusqu'en 550. Ami de Cassiodore, il fut sans doute quelque temps professeur au monastère de Vivarium. Il soutint les moines scythes dans la défense de la formule théopaschite. Ses efforts intellectuels tendirent à promouvoir de féconds échanges entre la littérature théologique et ascétique orientale et la littérature occidentale. Il s'est acquis de nombreux mérites comme traducteur d'ouvrages grecs et comme compilateur et adaptateur de canons conciliaires orientaux et occidentaux, ainsi que de décrétales papales. Denys le Petit s'est illustré dans l'introduction de l'ère chrétienne et du comput pascal alexandrin.
Cassiodore (+ vers 580), appartient à une vieille famille de Bruttium (Calabre). Il occupa, dans le royaume des Ostrogoths de Théodoric le Grand et de ses successeurs, les plus hautes charges de l'Etat. Il travailla à la réconciliation et à l'entente entre les Romains et les Germains. Vers 540, il se retire au monastère du Vivarium fondé par lui dans son pays ; il s'y consacra entièrement aux pratiques de l'ascèse, à l'instruction et aux travaux d'érudition ; il forma ses moines dans le même sens. Ses écrits qui, pour la plupart, virent le jour dans sa retraite monastique, montrent son esprit pratique et son savoir encyclopédique. Ses Institutiones divinarum et saecularum lectionum, lesquelles contiennent une méthodologie des études théologiques, une introduction aux arts libéraux, une Historia tripartita (abrégé d'Histoire de l'Eglise), furent des livres très appréciés au Moyen Age. Son Expositio in psalterium donne aussi un commentaire très utilisé. Les Variae (epistolae) en douze livres, avec les décrets des rois ostrogoths rédigés par Cassiodore, et qui servirent au Moyen Age de modèles pour le style de chancellerie, présentent une grande importance comme source L'âge d'or de la historique. Il en est de même de l'Histoire des Goths (De origine actibusque Getarum).
LA GAULE ET L'ESPAGNE
Saint Césaire, archevêque d'Arles (502-42). Son éminente personnalité se place au tout premier rang : élève du monastère de Lérins ; vainqueur du semi-pélagianisme dans le midi de la Gaule ; promoteur avisé du monachisme. A une époque de fermentation politique, sociale et religieuse, provoquée par les invasions barbares et la diffusion de l'arianisme chez les peuples germaniques, Césaire déploya au cours de son pontificat dans la "Rome gauloise", une féconde activité comme pasteur, réformateur de la discipline ecclésiastique et prédicateur populaire. Ses homélies claires et profondes lesquelles, par leur contenu et leur forme égalent les meilleurs modèles de l'âge d'or patristique, ont souvent été transmises sous le nom de saint Augustin. Césaire a aussi produit deux règles monacales.
Avit, archevêque de Vienne (+ vers 518), éminent prince de l'Eglise, à l'instar de Césaire. Il travailla à la conversion des Burgondes ; il a laissé une épopée biblique en cinq chants, sur le paradis, la chute originelle, le déluge, le passage de la mer Rouge. Il nous a aussi laissé un poème sur la virginité, des écrits polémiques sur les Eutychiens et les Ariens ; ainsi que quatre-vingt-six lettres importantes sur son temps et son histoire. Grégoire, évêque de Tours (+ 594), issu d'une famille sénatoriale de Clermont-Ferrand, pasteur énergique et dévoué de la ville de saint Martin. Grégoire s'est acquis une grande célébrité, notamment comme "historien des Francs". Ses Historiae donnent, dans le livre I, un bref résumé de l'histoire universelle jusqu'en 397 ; puis, dans les livres II-IV, l'histoire des Francs, de Clovis à Sigebert (+ 575), essentiellement d'après les traditions populaires ; enfin dans les livres V-X, l'histoire de son temps jusqu'en 591. Cet ouvrage est d'une valeur inestimable pour la connaissance des conditions politiques, religieuses et morales du royaume franc. Dans un grand recueil hagiographique Miraculorum libri VIII, Grégoire s'étend sur les miracles de Notre-Seigneur et des saints, notamment saint Martin, et d'autres saints populaires de la Gaule.
Venance Fortunat, italien (+ vers 601), né à Trévise ; il fait ses études à Ravenne. Au cours d'un long voyage à travers la Gaule, il vint à Tours et à Poitiers où il noua d'étroites relations avec la reine Radegonde et ses religieuses du couvent Sainte-Croix. Il devient prêtre et, peu avant sa mort, évêque de Poitiers. Il fut un poète brillant et délicat, un versificateur habile. Il fit une œuvre durable dans ses hymnes : Pange lingua gloriosi et Vexilla regis prodeunt ; ainsi que dans le cantique marial Quem terra pontus aethera. Ses légendes des saints, en prose Vita saint Hilarii, saint Germani, sainte Radegundis, etc, sont dignes de l'estime pour les générations.
Martin de Braga, né en Pannonie, abbé et évêque de Dumio, puis archevêque de Braga en Galicie (+ 580), apôtre des Suèves. Il a composé plusieurs traités de morale et d'ascétisme, Formula vitae honesta, De Ira, etc., lesquels dépendent fortement de Sénèque. Nous avons aussi de lui un sermon missionnaire intéressant pour l'histoire de la civilisation, De correctione rusticorum, pour lutter contre les superstitions païennes à la campagne ; un recueil de canons synodaux :Capitula Martini. Il a également traduit en latin des sentences monastiques orientales.
Isidore, archevêque de Séville (600-36) ; il succéda à son frère aîné Léandre sur le siège de Séville. (Léandre a également déployé une activité littéraire, mais ses oeuvres ont pratiquement toutes disparu). Isidore est regardé comme un célèbre écrivain occidental du VIIe siècle. Bien qu'il n'ait été qu'un compilateur et un adaptateur de matériaux étrangers, à l'instar de Cassiodore. Il possédait la science de son temps et, à travers une activité littéraire féconde, a exploité les trésors de l'érudition antique. Il les a transmis aux nouvelles générations. Les vingt livres des Etymologiae, ou Origines, représentent la première encyclopédie chrétienne ; les Libri tres sententiarum sont un manuel de dogmatique et de morale nourri de citations patristiques ; le De fade catholica contra Judaeos est un ouvrage d'apologétique ; le De ecclesiasticis officiis offre une description du culte divin et des fonctions ecclésiastiques ; le De vins illustribus continue les oeuvres de Jérôme et de Gennade. Dans sa Chronique des Wisigoths il révèle un attachement profond pour ce peuple. Saint Isidore eut le mérite d'avoir éveillé et affermi les peuples romans et germaniques, posant ainsi dans le Christianisme les bases des nouvelles nations occidentales. Dans la sainte cohorte d'évêques fondateurs de l'Occident chrétiens, "Géants de l'Esprit", on peut le regarder comme un Père de l'Orthodoxie Occidentale.
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